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Par La plume de N. Ghis. le 11 Mai 2016 à 12:26
Cher Ange, vous êtes belle
Cher ange, vous êtes belle
A faire rêver d'amour,
Pour une seule étincelle
De votre vive prunelle,
Le poète tout un jour.
Air naïf de jeune fille,
Front uni, veines d'azur,
Douce haleine-de vanille,
Bouche rosée où scintille
Sur l'ivoire un rire pur ;
Pied svelte et cambré, main blanche,
Soyeuses boucles de jais,
Col de cygne qui se penche,
Flexible comme la branche
Qu'au soir caresse un vent frais ;
Vous avez, sur ma parole,
Tout ce qu'il faut pour charmer ;
Mais votre âme est si frivole,
Mais votre tête est si folle
Que l'on n'ose vous aimer.Poète : Théophile Gautier (1811-1872)
Recueil : Élégies (1830).Élégie VII.
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Par La plume de N. Ghis. le 11 Mai 2016 à 11:55
Il n'y a pas d'amour heureux
Rien n'est jamais acquis à l'homme ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur et quand il croit
Ouvrir ses bras son ombre est celle d'une croix
Et quand il croit serrer son bonheur il le broie
Sa vie est un étrange et douloureux divorce
Il n'y a pas d'amour heureux
Qu'on avait habillés pour un autre destin
À quoi peut leur servir de se lever matin
Eux qu'on retrouve au soir désoeuvrés incertains
Dites ces mots Ma vie Et retenez vos larmes
Il n'y a pas d'amour heureux
Mon bel amour mon cher amour ma déchirure
Je te porte dans moi comme un oiseau blessé
Et ceux-là sans savoir nous regardent passer
Répétant après moi les mots que j'ai tressés
Et qui pour tes grands yeux tout aussitôt moururent
Il n'y a pas d'amour heureux
Le temps d'apprendre à vivre il est déjà trop tard
Que pleurent dans la nuit nos cœurs à l'unisson
Ce qu'il faut de malheur pour la moindre chanson
Ce qu'il faut de sanglots pour un air de guitare
Il n'y a pas d'amour heureux.Poète Louis Aragon (1897-1982)
Recueil : La Diane française (1944).
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Par La plume de N. Ghis. le 11 Mai 2016 à 11:20
Pour toujours
L'espoir divin qu'à deux on parvient à former
Et qu'à deux on partage,
L'espoir d'aimer longtemps, d'aimer toujours, d'aimer
Chaque jour davantage ;
Le désir éternel, chimérique et touchant,
Que les amants soupirent,
A l'instant adorable où, tout en se cherchant,
Leurs lèvres se respirent ;
Ce désir décevant, ce cher espoir trompeur,
Jamais nous n'en parlâmes ;
Et je souffre de voir que nous en ayons peur,
Bien qu'il soit dans nos âmes.
Lorsque je te murmure, amant interrogé,
Une douce réponse,
C'est le mot : – Pour toujours ! – sur les lèvres que j'ai,
Sans que je le prononce ;
Et bien qu'un cher écho le dise dans ton cœur,
Ton silence est le même,
Alors que sur ton sein, me mourant de langueur,
Je jure que je t'aime.
Qu'importe le passé ? Qu'importe l'avenir ?
La chose la meilleure,
C'est croire que jamais elle ne doit finir,
L'illusion d'une heure.
Et quand je te dirai : – Pour toujours ! – ne fais rien
Qui dissipe ce songe,
Et que plus tendrement ton baiser sur le mien
S'appuie et se prolonge !Poète : François Coppée (1842-1908)
Recueil : Le cahier rouge (1892).
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Par La plume de N. Ghis. le 10 Mai 2016 à 18:32
La chanson de l'automne
Tout suffocant
Et blême quand
Sonne l'heure
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure
Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà delà
Pareille à la
Feuille mortePaul Verlaine
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Par La plume de N. Ghis. le 10 Mai 2016 à 10:11
Quand les bateaux
Quand les bateaux s’en vont
Je suis toujours au quai
Mais jamais je ne pars
Et jamais je ne reste
Je ne dis plus les mots
Je ne fais plus les gestes
Qui hâtent les départs
Ou les font retarderJe ne suis plus de l’équipage mais passager
Il faut bien plus que des bagages pour voyagerQuand les bateaux s’en vont
Je reste le dernier
À jeter immobile
Une dernière amarre
À regarder dans l’eau
Qui s’agite et répare
La place qu’ils prenaient
Et qu’il faut oublierJe ne suis plus de l’équipage mais passager
Il faut bien plus que des bagages pour voyagerQuand les bateaux s’en vont
Je refais à rebours
Les départs mal vécus
Et les mornes escales
Mais on ne refait pas
De l’ordre au fond des cales
Quand le bateau chargé
Établit son parcoursJe ne suis plus de l’équipage mais passager
Il faut bien plus que des bagages pour voyagerQuand les bateaux s’en vont
Je suis silencieux
Mais je vois des hauts-fonds
Dans le ciment des villes
Et j’ai le pied marin
Dans ma course inutile
Sous les astres carrés
Qui me crèvent les yeuxJe ne suis plus de l’équipage mais passager
Il faut bien plus que des bagages pour voyagerQuand les bateaux s’en vont
Je reste sur le quaiGILLES VIGNEAULT
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